Opération KRA : la traque silencieuse de Momčilo Krajišnik

Opération KRA : la traque silencieuse de Momčilo Krajišnik

En avril 2000, au cœur des montagnes de Bosnie, une opération française de renseignement et d’assaut met fin à la cavale de l’un des hommes les plus recherchés d’Europe : Momčilo Krajišnik. Cocréateur de la Republika Srpska et bras droit politique de Radovan Karadžić, il était l’un des cerveaux du nettoyage ethnique qui a ravagé la Bosnie dans les années 1990. Retour sur une traque de l’ombre, orchestrée par les forces spéciales françaises.

Trois ans de travail souterrain. Un assaut de quelques secondes. Aucun tir. Aucun blessé.

 

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Qui était Momčilo Krajišnik ?

Momčilo Krajišnik fut l’un des fondateurs du Parti démocratique serbe (SDS) et président de l’Assemblée nationale des Serbes de Bosnie. Pendant toute la guerre de Bosnie (1992-1995), il agit comme le bras politique de Radovan Karadžić.

Il a participé à la structuration d’un État fondé sur l’exclusion ethnique, au cœur d’un conflit qui a coûté la vie à plus de 100 000 civils.

Le Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie (TPIY) l’accuse de crimes contre l’humanité : persécutions, déportations, transferts forcés.

En 2000, un mandat d’arrêt international secret est émis à son encontre pour crimes contre l’humanité, déportations et transferts forcés de populations civiles.

Opération KRA : trois ans d’infiltration dans un village hostile

Trois ans avant son arrestation, dès 1997, les troupes françaises du 13e Régiment de Dragons Parachutistes (RDP) s’installent discrètement à Pale, fief de Krajišnik. Leur mission : collecter des renseignements sur les criminels de guerre en cavale, notamment Karadžić, Mladić… et Krajišnik.

Méthodiquement, les soldats infiltrent le tissu local, se montrent en uniforme, sympathisent avec la population, jusqu’à se fondre totalement dans le décor. Leur discrétion leur vaut même d’être invités à boire de la slivovitz (eau-de-vie locale) par d’anciens gardes du corps de Karadžić.

Mais pendant que certains soldats "agitent la main" au grand jour, d’autres opèrent dans l’ombre. Caméras cachées, planques sous les toits, longues nuits de surveillance, tout est bon pour recueillir des preuves.

L’un des opérateurs vivra dix jours dans une grange face à la maison familiale de Krajišnik, dissimulé sous une meule de foin.
Chaque jour, l’agriculteur du coin vient nourrir ses bêtes. L’opérateur, caché sous le foin, retient sa respiration, attend qu’il reparte, puis reprend l’observation.

La grange offre une vue directe sur la fenêtre de la chambre. Une tuile est soulevée de deux centimètres, juste ce qu’il faut pour faire passer l’objectif d’une caméra.

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Le piège du restaurant : une tentative échouée

En 2000, une première tentative d’arrestation est planifiée. Un faux rendez-vous diplomatique est envoyé à Krajišnik, l’invitant à un dîner officiel dans un restaurant près de Sarajevo. L’opération, orchestrée avec minutie par le commando Hubert (forces spéciales de la Marine), prévoit une interpellation discrète pendant le repas.

Un agent est envoyé sur place avec une caméra-bouton. Il joue le rôle d’un client curieux de la décoration. Il mesure les pièces en comptant ses pas. Il note la disposition des tables, les sorties, les angles morts.
Tout est prêt. Le soir venu, le général devait simplement se lever « pour aller aux toilettes ». Ce geste aurait déclenché l’assaut.

Mais Krajišnik ne vient pas. Il répond par courrier qu’il est "en déplacement en Serbie". L’opération est annulée.

Le déclic : une lumière dans la nuit

Quelques semaines plus tard, le renseignement reprend le dessus. Gérard, opérateur du 13e RDP, repère une voiture connue se dirigeant vers la maison familiale de Krajišnik. Une longue veille commence.

Installé dans une grange en face de la maison, Gérard creuse une cache sous le foin, lève une tuile, et filme jour et nuit. 

Un soir, la lumière de la salle de bain s’allume. Il appuie sur "record" : la silhouette de Krajišnik apparaît 13 fois devant l’objectif. Les épais sourcils gris du fugitif signent son identification. L’opération peut être relancée.

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Le jour J : une opération millimétrée

Le 3 avril 2000, 30 commandos du commando Hubert sont infiltrés en secret à Pale, cachés dans les véhicules du 13e RDP. En pleine nuit, ils se dirigent silencieusement vers la maison.

Trois cercles de sécurité sont établis :

  • un premier bloque les accès au hameau
  • un deuxième encercle les maisons voisines
  • un troisième, composé du groupe d’assaut, se charge de l’arrestation

Pour éviter les mouvements de foule, ils utilisent de simples pointeurs laser verts, comme ceux employés pour les présentations PowerPoint.
Pointés vers les fenêtres des maisons voisines, ces lasers dissuadent toute tentative d’intervention. Les rideaux se ferment. Les portes se referment.

03h17 : assaut

La charge explosive est posée sur la porte. Un commandement est donné. La porte explose.
À l’intérieur, Krajišnik est debout, en pyjama. Il tient une arme. Il ne tire pas. Il est encadré. Il se rend sans résistance.

“Un vieux monsieur aux mains de maçon, solide, les yeux clairs. Quand on a ce visage en face de soi, les images des massacres remontent.”

Krajišnik est menotté, assis sur le lit. Les commandos s’adressent à lui dans sa langue natale. Ils lui expliquent ce qui va se passer. Ils récupèrent ses documents, ses appareils, son ordinateur.

L’extraction et le transfert à La Haye

En quelques minutes, l’opération passe à sa phase critique : évacuer la cible sans provoquer d’émeute. Un hélicoptère décolle de Sarajevo pour venir récupérer l’ex-prisonnier politique devenu fugitif. Les soldats français escortent Krajišnik, cagoulé et menotté, jusqu’à l’appareil.

Il sera transféré dans la foulée à La Haye.

Le piège s’est refermé. Sans un seul tir. Sans un seul blessé.

Un procès historique

En 2006, Krajišnik est condamné à 27 ans de prison pour crimes contre l’humanité, notamment :

  • déportation
  • transfert forcé
  • extermination
  • persécutions

Il sera acquitté de l'accusation de génocide, faute de preuve de l’intention spécifique requise. Sa peine est réduite à 20 ans en appel. Il est libéré en 2013 après avoir purgé les deux tiers.

À son retour à Pale, il est accueilli en héros par une partie de la population serbe, preuve des fractures encore vives en Bosnie.

Pourquoi cette opération reste dans l’Histoire ?

  • Première arrestation d’un haut responsable serbe par des troupes étrangères.
  • Succès opérationnel total : zéro blessé, interpellation pacifique, extraction discrète.
  • Modèle de coordination entre forces de renseignement et commandos d’assaut.
  • Message politique fort de la France : aucun criminel de guerre n’est intouchable.

L’opération KRA reste un cas d’école dans l’histoire militaire française et une pierre angulaire du travail de justice internationale après les crimes de la guerre de Bosnie. Elle prouve que, même au cœur d’un environnement hostile, la patience, la discrétion et la précision peuvent permettre l’arrestation d’un criminel de guerre sans tirer une balle.